Résumé : Nous partons de l’énigme posée par une voix que l’évêque entend sourdre de la paroi rocheuse, un soir qu’il se réfugie avec son guide dans une grotte afin d’échapper à une tempête de neige. En étudiant attentivement ce passage crucial du roman, nous faisons ressortir la manière dont Cather rattache cette voix « antédiluvienne » surgie du paysage à deux temporalités complémentaires de l’expérience humaine : le temps du bourdon créé par le rugissement continu de l’eau d’un torrent souterrain – temps cyclique du monde de l’oralité – et le temps de l’histoire, temps téléologique symbolisé par la direction suivie par l’eau canalisée par la pierre. Le roman cherche ainsi à rendre quelque chose de l’expérience perdue du temps cyclique, laissant place au mystère sans chercher à l’expliquer, jusque dans une attention profonde au dernier souffle des mourants. Plusieurs fois dans le roman, la voix est ainsi au cœur de ce passage mystérieux de la vie à la mort, sous la forme de râles ou de sentences cryptiques qui, tout comme la voix de la grotte, pointent l’inconnaissable et l’innommable tapi au cœur de notre expérience du monde.