Sensibilité divine et communauté émotionnelle dans la tragédie humaniste biblique : le Jephté latin de Buchanan (1554) et ses traductions françaises (1566-1601)
Résumé
La tragédie humaniste biblique offre un dispositif qui permet de confronter une théologie des émotions divines à l’interprétation de l’histoire et des rapports de pouvoir qui la constituent. Comment l’assimilation d’une théologie des émotions divines par la dramaturgie tragique permet-elle d’examiner l’histoire humaine comme une expérience de l’insatisfaction et du plaisir divins ? Nous lisons la tragédie biblique à l’antique qu’est Jephthes sive votum de Buchanan, jouée autour de 1540, ainsi que ses quatre traductions françaises jusqu’à la fin du XVIe siècle : Cl. de Vesel (1566), Fl. Chrestien (1567), Fr. Du Fort (1595) et A. Mage de Fiefmelin (1601). Le déploiement d’une théologie des émotions divines s’accompagne d’une satire du culte idolâtre et d’un refus des représentations anthropomorphiques du divin. La dramaturgie tragique réunit une communauté émotionnelle qui s’accorde sur l’identification par signes de la colère et de la pitié divines. Le spectacle pourrait permettre d’affiner la sensibilité humaine aux émotions divines, particulièrement à la discrétion de la miséricorde. Les nuances confessionnelles de traductions protestantes font de cette sensibilité un point discriminant entre élus et réprouvés.