L'écriture sert à réaliser
Résumé
Les artistes qui écrivent exposent dans les mots comme dans l'espace leur manière de rendre sensible les écarts. Depuis les traités de la Renaissance, l'écriture des artistes nous a appris à comprendre certains processus d'élaboration créatifs. Au cours du xx e siècle, s'est développée et diffusée la pratique d'une écriture qui vient accompagner ou commenter l'activité artistique, mêlant réflexions d'ordre philosophique, interrogations critiques sur l'art et expérimentations littéraires. L'essor de ces écrits à partir des années soixante a ouvert un espace intermédiaire entre la pratique et la théorie de l'art et a remis en cause l'irréductibilité de l'art au discours en reconfigurant les rapports de la théorie et de la praxis. C'est le cas de certains artistes pour lesquels la pratique d'écriture intervient dans le faire de l'oeuvre. J'ai eu l'occasion, au cours de ma thèse intitulée « Pour une poïétique des dispositifs. Les rapports texte / oeuvre dans l'art contemporain » d'étudier précisément les modalités d'une écriture d'artiste qui pense la pratique depuis le lieu du faire tout en le théorisant et en regard d'une pratique elle-même non conceptuelle. Les trois artistes sur lesquels je me suis appuyée : Daniel Buren, Robert Morris et Michelangelo Pistoletto ont en commun, malgré des oeuvres formellement très différentes, de se maintenir dans une tradition. Tous trois ont accompagné leur travail d'une pratique d'écriture régulière et soutenue qui s'adosse à leur pratique plastique, en suit les mouvements internes et les modifications formelles. Leurs oeuvres supposent aussi une expérience spécifique, spatiale et corporelle que les textes réfléchissent en même