Genre et politique dans le travail journalistique et littéraire d’une ‘transfuge de classe’ scandaleuse’ : Sanaa Elaji (Maroc) - Université de Picardie Jules Verne Accéder directement au contenu
Chapitre D'ouvrage Année : 2013

Gender and politics in the journalistic and literary work of a scandalous 'class defector': Sanaa Elaji (Morocco)

Genre et politique dans le travail journalistique et littéraire d’une ‘transfuge de classe’ scandaleuse’ : Sanaa Elaji (Maroc)

Résumé

This article is devoted to the analysis of the socio-biographical trajectory of the Moroccan journalist and writer Sanaa Elaji. Born in 1977 in Casablanca, from an illiterate working class background, with a higher education degree, the young woman leads an independent and "emancipated" single life, and lives alone in the Moroccan economic capital at the time of the survey. Multi-positional in the Moroccan media and intellectual field, she has been a journalist in the print media: a former columnist in two French-language magazines (the women's monthly Citadine and TelQuel, the most widely read general information weekly magazine in Morocco) and in an Arabic-language daily, Assahra Al Maghribya, she then worked until 2011 for the weekly Nichane, created in September 2006, the equivalent of TelQuel in Moroccan classical and dialectal Arabic. Sanaa Elaji also published her first sulphurous autofictional novel in dialectal Arabic in 2003, entitled Majnounatou Youssou (Argana Editions), which received considerable media attention. Evoking the sexual relations of two young sisters before or outside marriage, the story places the theme of the relationship to the body and sexuality and, more broadly, that of gender relations in contemporary patriarchal Moroccan society at the heart of the reflection. Politically committed, multiplying transgressive universalist feminist positions through her writings, literary or journalistic, the interviews she regularly gives in the press or on her blog, accumulating trophies outside the literary field (she thus appears in 2006 in the "ranking" list compiled by TelQuel among "the 50 who will make Morocco tomorrow", is a member of the Young Leaders Centre of Morocco...), S. Elaji, in search of recognition, is at the intersection of several fields and networks. She presents an atypical and "in the making" trajectory in the Moroccan media and intellectual fields. However, all of S. Elaji's objectively subversive positions, in that they constitute a double transgression of sex and gender, are not always devoid of ambivalence, and are, moreover, to be linked to the strategies that this young "class defector" deploys with a view to ensuring an improbable trajectory, marked by the concern for social ascension. The aim of this article is to establish a link between, on the one hand, the socialising experiences and the socio-biographical trajectory of the young woman and, on the other hand, the content of her writings. Through the analysis of the dissonant voices and paths used by S. Elaji in different components of the public space (novels, articles, chronicles, blogs, interviews...), but also of the long unpublished interview she gave me in Casablanca in April 2007, this article aims to shed light on the political, social and literary statements of the writer-journalist, her desire to participate in the redefinition of gender relations in contemporary Morocco, as well as the writing strategies - and, more broadly, the strategies of placement in the Moroccan literary and journalistic space - which underpin this project.
Cet article est consacré à l’analyse de la trajectoire sociobiographique de la journaliste et écrivaine marocaine "transfuge de classe" Sanaa Elaji. Née en 1977 à Casablanca, issue de milieu populaire analphabète, diplômée de l’enseignement supérieur, la jeune femme mène une vie de célibataire indépendante et « émancipée », et vit seule dans la capitale économique marocaine au moment de l'enquête. Multipositionnelle dans le champ médiatique et intellectuel marocain, elle a notamment été journaliste en presse écrite : ancienne chroniqueuse dans deux magazines francophones (le mensuel féminin Citadine et TelQuel, hebdomadaire d’information générale le plus lu au Maroc) et un quotidien arabophone, Assahra Al Maghribya, elle a ensuite travaillé jusqu'en 2011 pour l'hebdomadaire Nichane, créé en septembre 2006, équivalent de TelQuel en arabe classique et dialectal marocain. Révélatrice du fait que si les écrivaines marocaines « pionnières » sont très souvent nées dans des familles fortement dotées en capital culturel, la prégnance de l’héritage culturel semble s’atténuer quelque peu pour les générations d’écrivaines les plus récentes, Sanaa Elaji publie en 2003 un premier roman autofictionnel sulfureux en arabe dialectal, intitulé Majnounatou Youssou (Argana Editions), médiatiquement très remarqué. Evoquant les relations sexuelles avant ou hors le mariage de deux jeunes soeurs, le récit place la thématique du rapport au corps et à la sexualité et, plus largement, celle des rapports sociaux de sexe dans la société marocaine patriarcale contemporaine au coeur de sa réflexion. Engagée politiquement, multipliant les prises de position féministes universalistes transgressives par ses écrits, littéraires ou journalistiques, les entretiens qu’elle accorde régulièrement dans la presse ou encore sur son blog, accumulant des trophées exogènes au champ littéraire (elle figure ainsi en 2006 dans le palmarès « classant » construit par TelQuel parmi « les 50 qui feront le Maroc de demain », est membre du Centre des Jeunes Dirigeants du Maroc…), S. Elaji, en quête de reconnaissance, se situe à l’intersection de plusieurs champs et réseaux. Elle présente une trajectoire atypique et « en devenir » dans les champs médiatique et intellectuel marocains. Toutefois, l’ensemble des prises de position objectivement subversives de S. Elaji, en ce qu’elles constituent une double transgression de sexe et de genre, n’apparaissent pas toujours dénuées d’ambivalence, et sont, en outre, à relier aux stratégies que cette jeune « transfuge de classe » déploie en vue d’assurer une trajectoire improbable, marquée par le souci d’ascension sociale. Il s'agit ici en effet d'établir un lien entre, d’une part, les expériences socialisatrices et la trajectoire sociobiographique de la jeune femme et, d’autre part, le contenu de ses écrits. A travers l’analyse des voix(es) dissonantes empruntées par S. Elaji dans des composantes différenciées de l’espace public (roman, articles, chroniques, blog, interviews…), mais aussi du long entretien inédit qu’elle nous a accordé à Casablanca en avril 2007, cet article se propose ainsi d’éclairer les prises de parole indissociablement politiques, sociales et littéraires de l’écrivaine-journaliste, sa volonté de participer à la redéfinition des rapports sociaux de sexe dans le Maroc contemporain, ainsi que les stratégies d’écriture – et, plus largement, les stratégies de placement dans l’espace littéraire et journalistique marocain - qui fondent ce projet.
Fichier principal
Vignette du fichier
Article Elaji Avoir voix au chapitre Isabelle Charpentier.pdf (565.84 Ko) Télécharger le fichier
Origine : Fichiers produits par l'(les) auteur(s)

Dates et versions

hal-03688717 , version 1 (05-06-2022)

Licence

Paternité - Pas d'utilisation commerciale - Pas de modification

Identifiants

  • HAL Id : hal-03688717 , version 1

Citer

Isabelle Charpentier. Genre et politique dans le travail journalistique et littéraire d’une ‘transfuge de classe’ scandaleuse’ : Sanaa Elaji (Maroc). Isabelle Charpentier; Christine Détrez; Abir Kréfa. Socialisations, identités et résistances des romancières du Maghreb. Avoir voix au chapitre, L'Harmattan, pp.231-257, 2013, coll. « Logiques sociales », série « Littérature & société », 978-2-343-00236-1. ⟨hal-03688717⟩
52 Consultations
40 Téléchargements

Partager

Gmail Facebook X LinkedIn More