Pierre Bergounioux : le travail de l’empreinte
Résumé
L'écriture de Pierre Bergounioux témoigne à bien des égards d'une poétique de l'empreinte. L'investigation généalogique se double de livre en livre d'une collecte des traces et des vestiges d'un autre âge. Cette recherche minutieuse, érudite et tâtonnante d'une origine enfouie, remontant à l'ère «néolithique » , s'associe à la volonté de donner une «vie seconde » à ces fragments archaïques par le biais de l'écriture ou de la sculpture. Cette inquiétude de l'arkhè place la prose de l'écrivain corrézien entre anachronisme et modernité. Anachronique d'une part, parce que l'auteur ne cesse de retourner à la terre de ses origines pour y découvrir mais surtout retracer «l'empreinte » de son identité. Ce faisant, il reprend une posture anachronique, celle de l'écrivain artisan, taillant, avec les outils et les mots d'un monde ancien, les figures et les lieux ancestraux auxquels il s'identifie partiellement. Ces reprises traduisent la volonté de maîtriser le passé et de travailler ainsi à sa déprise. Mais elles accusent aussi les obstacles s'opposant à l'accomplissement d'une telle tâche. Entre proximité et distance, l'empreinte élaborée et reconfigurée de récit en récit désigne à la fois la «ressemblance par contact » , selon l'expression de Didi-Huberman, mais aussi l'écart inéluctable avec l'origine. Elle décline une identité par éclats, un sujet déchiré entre des espaces et des temporalités opposées, travaillant sans relâche depuis un présent insatisfait à l'exhumation de vestiges de soi dans le territoire ancien.
Origine : Fichiers éditeurs autorisés sur une archive ouverte